Hypothèse 59 : Sexisme
De nos jours être une femme n'est plus une caractéristique parmi tant d'autres mais une obligation, un engagement politique qui n'a plus rien à voir avec la biologie.
"On est une génération d'hommes élevés par des femmes. Je suis pas sûr qu'une autre femme soit la solution à nos problèmes."
Fight Club (1999)
Elle était moyennement moche, "ceci explique beaucoup de cela", se dit-il. Dès le début elle lui avait jeté son regard le plus méprisant, celui qu'elle réserve aux hommes blancs pour afficher son implication dans la lutte contre le sexisme et le racisme, et ça faisait déjà 15 minutes qu'elle le massacrait. Il ne pouvait rien répondre : elle était une femme, elle était juge.
Elle lui avait tout sorti, la lutte contre le fascisme, les heures les plus sombres de notre histoire, et même la souffrance des femmes dans les pays musulmans, bien sûr sans dire que c'était des pays musulmans. Il allait prendre cher il le savait : mâle blanc de plus de cinquante ans il faisait partie de ceux que la population avait appris à haïr.
De nos jours être une femme n'est plus une caractéristique parmi tant d'autres mais une obligation, un engagement politique qui n'a plus rien à voir avec la biologie. Etre une femme donne bien sûr beaucoup de droits, dont une quasi-immunité face à la justice, mais comporte aussi un devoir absolu : celui de soutenir les opinions les plus extrêmes dès lors qu'elles sont de Gauche et émises par une lesbienne moche, comme la juge. Même les hommes y sont obligés, c'est pour ça qu'il était là, il n'avait pas montré assez d'enthousiasme quand il aurait fallu, ça avait été dénoncé comme une critique.
Il repensa aux femmes qu'il avait connues quarante ans avant, aux virées qu'ils faisaient ensemble, aux rires, aux embrassades. Pourraient-elles encore vivre aujourd'hui ? Probablement pas, ce serait interdit. Elles devraient maintenant manifester pour les droits des femmes, suivre les diktats des magazines féminins, et se soumettre aux publicités. Il pouvait les imaginer dénoncer les hommes comme des obsédés sexuels parce qu'ils ne leur donnent pas assez souvent leur quota d'orgasmes. Les plus belles bien sûr auraient pu s'en sortir, elles s'en sortent toujours, mais pas les autres.
Mais en y repensant bien, c'était plus loin qu'il fallait remonter, à ses années dans des écoles quasi totalement féminisées. Il se rappela les remarques perfides de ces profs qui passaient leur temps à dévaloriser les garçons, les cours d'éducation sexuelle qui n'avaient comme but que de rabaisser les garçons ("pour ne pas qu'ils embêtent les filles"), et les discussions permanentes des mères. "Les filles sont plus mûres que les garçons" entendait-il tous les jours. Oui, c'est vrai, mais c'est parce que les filles arrêtent leurs croissances, physique et intellectuelle, beaucoup plus tôt, presque 10 ans avant les garçons, mais ça les mères ne pouvaient justement pas le comprendre. C'était là que tout s'était joué : des femmes frustrées qui déterminaient la vie de générations entières, bien sûr que ça ne pouvait mener qu'à un désastre. Sir John Glubb l'avait prédit : il avait inscrit le féminisme comme une des caractéristiques de la fin d'une civilisation.
La juge n'arrêtait pas, tout ce qui arrivait dans le monde entier était devenu la faute de son "sexisme". Tous les faits divers plus ou moins adaptés y étaient passés. Il était coupable de tous les meurtres, de tous les viols, de toutes les agressions, même les micro-agressions. Elle lui parlait maintenant d'Afghanistan : elle aurait voté Biden si elle avait été Américaine, mais elle lui reprochait à lui et à sa culture ce qui arrivait aux femmes là-bas.
Il se replongea dans ses souvenirs. Il repensa à Nathalie, qui était si belle, si libre, et avec qui il avait vécu une telle passion, il y avait si longtemps. Il se dit qu'il avait de la chance d'être aussi vieux : il avait vécu sa jeunesse avant le féminisme ! Même quand la juge l'aura condamné pour sexisme, il aura toujours ses souvenirs.
©Philippe Gouillou - Mercredi 8 septembre 2021