Egalité vs. Equité

©Philippe Gouillou - Samedi 5 octobre 2024

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Il ne peut exister la moindre liberté si elle ne peut s’accompagner d’inégalités.


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“La question la plus fondamentale n’est pas de savoir ce qui est le mieux, mais qui va décider de ce qui est le mieux”
Thomas Sowell

La société de notre petite histoire se veut engagée pour un monde plus juste et met en place une économie basée sur l’équité. Son idée est simple : remarquant qu’un achat du même montant représente beaucoup plus pour un pauvre que pour un riche, elle décide de ne plus compter les prix en unités monétaires mais en pourcentage du revenu mensuel. De grandes études statistiques ont été effectuées et ont permis de fixer ces nouveaux prix. Ainsi, une voiture neuve standard n’est plus vendue à 25 000 € mais à 1 200%, soit 12 mois de revenu. Il en est de même pour quasiment tous les achats, de l’alimentaire au logement et aux loisirs. C’est parfaitement équitable : tout le monde peut s’offrir exactement les mêmes choses.

Il n’est bien sûr pas besoin de réfléchir pour imaginer ce que deviendrait la vie dans notre société imaginaire. Tout de suite l’économie s’écroulerait : qui fournirait des efforts et des sacrifices pour s’enrichir si cela n’avait aucun effet sur son pouvoir d’achat ? De plus, le prix ne serait plus une information pour les entrepreneurs, qui ne pourraient plus répondre aux demandes du marché. Même le développement rapide d’un marché parallèle, celui de la revente, ne suffirait pas à empêcher la pauvreté et la famine.

Mais si notre petite histoire est trop caricaturale pour être réaliste, elle montre une orientation que, parfois sans le savoir, beaucoup encouragent. C’est par exemple celle défendue avec force par la candidate américaine aux élections présidentielles américaines, Kamala Harris. On la retrouve également dans le principe de certaines amendes routières dans certains pays qui sont maintenant proportionnelles au revenu (Schierenbeck, 2018), ainsi que dans le principe de taxation progressive, mis en place dans de nombreux pays. Et on entend parfois qu’un pauvre peut être payé moins pour la même prestation parce qu’il aurait soi-disant moins de besoins. Dans aucune de ces applications, les objectifs affichés n’ont été atteints : les pays socialistes sont beaucoup plus pauvres que les autres, les amendes proportionnelles sont sans effet sur le taux de récidive au-delà d’un an (Kalia, 2024), et la taxation progressive augmente les besoins des pauvres en surtaxant leurs tentatives d’enrichissement (Gouillou, 2019).

Nos inégalités sont énormes. La vie est injuste, et pas assez souvent à notre avantage. Il y a celles qu’on voit, comme la richesse, et celles qu’on ne voit pas, comme le potentiel génétique. Les deux peuvent être partiellement liées, par exemple un point de QI (Gouillou, 2024) de plus aux USA se traduit par un gain supplémentaire au cours d’une vie compris entre 40 000 et 90 000 dollars (ce qui signifie que la sélection des embryons sur le QI est déjà rentable : Jensen, 2024). Mais comment compenser équitablement les différences de niveau de bonheur, qui elles aussi sont fortement décidées génétiquement ? Comment compenser équitablement les différences de beauté qui ont elles aussi une influence décisive sur la vie que chacun pourra mener ? Tous les hommes devront-ils avoir équitablement accès aux femmes les plus belles ? Elles n'auront plus le droit de choisir ?

Et ce n'est qu'une partie du problème. Comment partager équitablement les ressources rares si celles-ci ne peuvent plus être marchandisées (Gouillou, 2015) ?

Un simple totalitarisme ne suffirait pas à garantir l’équité. Dans "Harrison Bergeron", paru en 1961 (VF : “Pauvre Surhomme“, 1964), Kurt Vonnegut avait montré que la seule solution pour que tout le monde soit égal est d’handicaper ceux qui ont plus, par des poids et des égaliseurs cognitifs. Et dans son adaptation en 2009 par Chandler Tuttle (2081), le danseur qui s’y rebelle en retirant ses entraves est abattu par les équipes de l’Handicapeur général des États-Unis qui effacent en même temps la mémoire des spectateurs (Cline, 2010) : il ne peut exister la moindre liberté si elle ne peut s’accompagner d’inégalités.

Les politiciens qui défendent l'équité savent parfaitement qu'elle est totalement impossible, indéfinissable et inapplicable. C'est juste qu'ils ont trouvé que le terme équité est un excellent hameçon pour attraper le soutien de beaucoup de ceux qui aimeraient avoir plus. Ce qu'ils veulent, en réalité, c'est mettre en place un système oligarchique où ils règneront en maître sur la masse des "égaux".

Ce n’est pas pour rien que nos ancêtres des Lumières ont prôné l’égalité en droit, pas l’égalité en résultat.

Philippe Gouillou

Références : Cline, 2010 (Traduction Roman Bernard, Institut Copet, Contrepoints, 5 novembre) ; Gouillou, 2015 (Billet Eco 10, Monaco Business News 54, 30 décembre) ; Gouillou, 2019 (Evoweb, 9 avril) ; Gouillou, 2024 (ISBN : 978–2–9593985–1–3) ; Vonnegut, 1961 ("Harrison Bergeron" sur Internet Archive) ; Jensen, 2024 (Sebjenseb, 8 juillet) ; Kalia, 2024 (doi : 10.2139/ssrn.4803851) ; Schierenbeck, 2018 (The University of Chicago Law Review 85.4) ; Tuttle, 2009 (2081)

Image : Grok (X)

©Philippe Gouillou - Samedi 5 octobre 2024


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Citation de cette page :

Gouillou, Philippe (2021) : "Egalité vs. Equité". Evoweb. Samedi 5 octobre 2024. https://evoweb.net/blog2/20241005-equite.htm
[Egalité vs. Equité](https://evoweb.net/blog2/20241005-equite.htm "Evoweb : Egalité vs. Equité (Samedi 5 octobre 2024)"). Philippe Gouillou. *Evoweb*. Samedi 5 octobre 2024