Hypothèse 27 : Rebranding
Le Président ne peut pas être réélu, nos chiffres sont formels.
— Le Président ne peut pas être réélu, nos chiffres sont formels, la population le hait autant qu'elle l'a aimé. On s'y attendait, les techniques basées sur l'émotion sont instables, mais il nous faut trouver une solution.
— Et si on quittait l'émotion pour le repositionner rationnel ?
— Ce n'est pas possible, et même, ça ne marcherait pas, les electeurs ne sont plus capables de recevoir des arguments rationnels, on ne peut pas quitter l'émotion, il faut au contraire en faire toujours plus.
— Alors, que proposez-vous ?
— Du rebranding. Proposer la même chose mais sous une forme totalement inversée.
— Je vous rappelle que le rebranding n'a pas marché pour le Parti Communiste, son soit-disant Front de Gauche a fait flop.
— Oui, mais c'est parce qu'ils n'ont plus rien à dire, toutes leurs idées sont déjà appliquées, et s'ils essaient d'aller plus loin tout le monde se moque d'eux. Le rebranding a hyper bien marché pour le Parti Socialiste, il a suffit d'un nouveau nom basé sur un slogan pétainiste pour gagner les élections !
— Et vous croyez pouvoir sauver le Président comme ça ?
— Ce ne sera pas le même Président, exactement comme en 2017. Je vous explique. Vous vous rappelez le slogan "La force tranquille" ?
— Oui, bien sûr.
— Ce que les Français veulent avant tout, c'est de la stabilité. Ce slogan leur avait donné exactement ce qu'ils cherchaient : de la tranquillité.
— On ne peut pas reprendre le slogan.
— Non, mais attendez, ce n'est pas tout. Ecoutez la population, elle se plaint tout le temps, elle veut du changement dit-elle. Mais ce n'est pas vrai, ce qu'elle veut c'est que le système social tienne, les uns parce qu'ils en bénéficient directement, les autres parce qu'ils pensent qu'ils en auront besoin un jour, qu'ils pourront basculer du côté des payeurs à celui des profiteurs, ne serait-ce qu'à la retraite.
— Il y a quand même plein de chefs d'entreprise qui en ont marre de payer et qui veulent tout casser.
— Oui, tant qu'ils ont le nez dans le guidon, mais ce n'est que du vent, au fond ils savent très bien que la fin du système social créerait ce qui est leur plus grande peur, ce qui mettrait par terre tous leurs plans prévisionnels et donc leurs investissements : de l'instabilité.
— Donc il faut poursuivre comme maintenant, mais les Français se plaindront encore plus !
— Oui, mais vous savez qu'ils se plaignent puis se soumettent. Rappellez-vous 1984 : il n'y avait presque plus aucun Français qui avouait avoir voté Mitterrand. Pourtant, en 1988, après que Chirac ait remonté un peu l'économie, il a suffit de leur dire qu'il fallait "partager les fruits de la croissance" pour qu'ils revotent pour le même et virent celui qui les avait sauvés.
— Vous croyez qu'une simple alternance pourrait repositionner le Président ?
— Non, l'idée fondamentale est qu'il faut proposer plus de la même chose, juste sous une autre forme. Les Français ont mis le doigt dans l'engrenage en mai 81, ils n'en sortiront plus, il faut toujours leur proposer plus de socalisme.
— Comment ?
— Le programme n'a pas à changer, ça c'est le plus important, mais toute la communication doit être exactement l'inverse de celle de 2017. Le Président était un jeune brillant qui a réussit dans la finance ? Il nous faut quelqu'un de plus âgé qui a réussi dans un secteur tradionnel ou dans la politique. Il parlait de réussite et de startups ? Il nous en faut un qui parlera de sécurité et de terroirs.
— Vous allez nous mettre l'électorat musulman sur le dos, je vous rappelle qu'il a compté pour 10 points en 2017.
— Non, n'ayez pas peur. Tout d'abord les Musulmans d'origine maghrébine sont beaucoup plus traditionnalistes que les Français de souche. Ensuite ils ont encore actuellement plus besoin de la solidarité nationale, et tiennent donc particulièrement à ce qu'on y touche pas. Enfin il suffira de leur promettre un geste symbolique, par exemple le droit aux tribunaux islamiques comme en Angleterre ou alors une bonne partie de la nouvelle Cathédrale de Paris, ça leur plaira.
— Et vous faites quoi du Président ?
— Tout simple, on lui créera un nouveau poste honorifique, qui lui fasse croire qu'il est monté en grade. Je pense à Président de l'Europe, il ne dira jamais non. Ce n'est pas lui le problème, c'est de bien choisir la personne pour le remplacer.
— Si vous proposez Bayrou les Français vont croire qu'on est déjà dans Soumission de Houellebecq...
— Bien sûr que non. Mon idée est de suivre Hollywood. Vous savez que tous les films d'hommes blancs qui ont connu du succès sont refaits avec des femmes noires à la place au nom de l'antiracisme ? Et bien on peut faire pareil.
— Je sais aussi qu'à chaque fois, malgré toute la propagande, c'est un fiasco. Je ne comprends même pas pourquoi ils continuent.
— Bien sûr, mais il s'agit de cinéma, de spectacle, en politique c'est tout à fait différent.
Image : Undermedia - Wikipedia
©Philippe Gouillou - Mercredi 24 juillet 2019