Hypothèse 89 : Beauté

©Philippe Gouillou - Jeudi 12 septembre 2024

Tags : Hypothèses - Justice

Ce n'était plus seulement elle, mais toutes les femmes qui n'avaient pas cette beauté qu'elle devait représenter, qu'elle devait défendre.


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Elle était beaucoup trop belle, il n'avait aucune chance, il n'aurait jamais du accepter le dossier. Bien sûr lui avait fondu, il s'était fait avoir, ça montrait juste que malgré tous ses efforts il était resté un homme. Au tribunal c'est différent : la beauté y est un handicap. Bien sûr, dans les temps anciens, à l'époque du patriarcat comme le répètent les féministes, quand les juges étaient des hommes, la beauté aurait pu l'aider, un juge anglais avait bien relaché une criminelle parce qu'elle était trop mignone ! Mais maintenant quasiment tous les juges étaient des femmes, et rarement belles. Et elles n'aimaient pas la concurrence.

Le dossier était indéfendable. Il était reproché à l'accusée d'avoir publié sur X : "Si l'origine de l'agresseur est confirmée, ça risque de mal finir". Elle avait cru que l'agresseur était Afghan alors qu'il était Syrien, c'était donc une fake news. Et ça avait mal fini. Tout de suite, le Gouvernement avait désigné cette désinformation comme l'origine des émeutes, et rappelé que des lois spéciales avaient été votées pour lutter contre cet effet pervers des réseaux sociaux.

Toute la presse l'avait donc désignée comme la cause des émeutes. Ses sublimes yeux bleus avaient été affichés sur toutes les couvertures, ils étaient devenu le symbole du suprémacisme blanc. Son adresse aussi avait été publiée, et donc sa maison tout de suite saccagée. Bien sûr aucune enquête n'avait été diligentée : il ne fallait pas "attiser la haine".

Comment allait-il se faire payer ? Elle avait déjà tout perdu, elle allait se prendre une amende carabinée, serait peut-être même jugée responsable financièrement des dégâts, et ce n'est pas en prison où elle allait certainement être envoyée pour qu'elle se fasse défigurer, par justice sociale, qu'elle allait se refaire financièrement.

Totalement banale phyisquement, la juge devait avoir 35-40 ans, l'âge où l'horloge biologique sonne plus que toutes les heures. Elle lisait l'acte d'accusation sans cacher son mépris, sa haine. L'enquête s'était attardée sur la vie sexuelle de l'accusée, tous ses amants des cinq dernières années avaient été interrogés, aussi a juge en dictait la liste, avec l'âge et la profession. Elle n'aurait jamais accès à des hommes d'un tel niveau social, c'était très largement au-dessus de son niveau, ils ne la verraient même pas. Puis elle passa à l'évaluation psychologique. La juge insistait qu'il n'y avait pas de maladie psychiatrique pouvant réduire la culpabilité de l'accusée, mais passait en revue toutes les publications sur X de l'accusée pour y trouver des signes d'islamophobie.

C'était maintenant au tour des témoins. Un imam afghan vint détailler les dégâts subis par sa communauté à cause des stéréotypes, un imam syrien s'emporta contre le racisme, et un imam algérien fit un long discours sur la xénophobie systémique en France et se déclara choqué que l'accusée ne porte pas le hijab. Deux présidents d'associations anti-racistes, qui s'étaient portées partie civile, vinrent aussi demander de l'argent.

C'était son tour, il ne savait pas quoi dire. Son argument principal, que le tweet était au conditionnel et avait un sens d'alerte, avait déjà été balayé par la juge : "les émeutes n'étaient pas au conditionnel" avait-elle clamé. Il essaya de se lancer sur la liberté d'expression mais la juge ne le laissa même pas aller au-delà de deux phrases : "Personne n'a besoin de vous pour défendre la liberté d'expression, la loi le fait déjà très bien !" Il se rassit.

La juge se sentait impartie d'une mission. Ce n'était plus seulement elle, mais toutes les femmes qui n'avaient pas cette beauté qu'elle devait représenter, qu'elle devait défendre. Elle se rappela cet engagement solennel qu'elle s'était faite à elle-même quand elle était encore étudiante, celui de créer un monde meilleur, plus juste, moins marqué par les inégalités. C'était le jour pour tenir ses engagements.

Image : Grok (X)

©Philippe Gouillou - Jeudi 12 septembre 2024


Hypothèses Récentes

Citation de cette page :

Gouillou, Philippe (2021) : "Hypothèse 89 : Beauté". Evoweb. Jeudi 12 septembre 2024. https://evoweb.net/blog2/20240912-hypothese-89.htm
[Hypothèse 89 : Beauté](https://evoweb.net/blog2/20240912-hypothese-89.htm "Evoweb : Hypothèse 89 : Beauté (Jeudi 12 septembre 2024)"). Philippe Gouillou. *Evoweb*. Jeudi 12 septembre 2024