Hypothèse 55 : Dysgénisme
Ce n'était pas vrai que le niveau avait baissé, la preuve elle même avait eû beaucoup de mal.
Elle se sentait nerveuse, stressée, inquiète, en entrant dans la salle d'examen. Elle ne comprenait pas tout, mais savait que ce jour déciderait de toute sa vie future, à quelle classe elle appartiendrait. Sa mère le lui avait bien expliqué, en le lui répétant souvent : si elle était dans les meilleures alors elle serait opérée et pourrait vivre une vie de loisirs et de luxe, libérée des grossesses, sinon elle vivrait comme sa mère, à élever des enfants. Et puis si elle ratait tout, c'était sa terreur, alors elle serait envoyée dans une sorte d'usine où elle ne servirait qu'à faire le maximum d'enfants, qu'elle ne verrait d'ailleurs jamais. Une "pondeuse" comme on appelait ces déchets de la société.
Elle essaya de jauger les autres candidates, elles étaient très nombreuses, plusieurs centaines, de toutes les couleurs, de toutes les formes. L'immense majorité étaient d'origine africaine comme elle, mais certaines se détachaient nettement : plus grandes, plus blanches, plus distinguées. Elles ne montraient même pas ces symptômes qui s'étaient répandus ces dernières générations, par exemple elles n'avaient pas ces tâches qui recouvraient normalement presque toute la peau. Elle eût honte, ces filles allaient gagner, c'était sûr.
Mais sa mère lui avait bien répété que ce n'était pas le physique qui comptait le plus, même s'il rapportait des points, mais l'intelligence. Aussi elle l'avait mise dans une école qui préparait spécialement à l'examen, l'enjeu était trop important. Hélas, même avec toute cette préparation, elle se sentait perdue, en fait elle n'avait pas retenu beaucoup de ce qu'on lui avait appris.
On disait qu'à chaque génération le niveau baissait, qu'il fallait de moins en moins de points pour atteindre l'élite. Certaines racontaient même que l'examen avait été simplifié, que celles des premières générations étaient des génies qui répondaient à des questions impossibles à comprendre de nos jours. Mais d'autres disaient que si ça avait bien été fait exprès, c'était pour "augmenter la diversité". Selon elles, avant, seules les Occidentales et les Asiatiques réussissaient l'examen, et les enfants naissant des pondeuses étaient de plus en plus d'origine africaine, aussi les règles avaient été changées. Mais, même si beaucoup y croyaient, elle ne voyait dans cette histoire qu'un mythe raciste.
L'examen commençait. La première partie était sur les mathématiques et la logique, c'était la plus difficile, la plus sélective, même si elle ne comptait que pour un tiers de la note. Elle se sentit paniquer, se vit dans une pièce blanche, les jambes écartées, pendant qu'une grosse infirmière violente lui enfonçait une seringue. Elle savait que ce n'était pas comme ça qu'on fécondait les pondeuses, mais c'était l'image qu'on leur avait apprise à l'école pour leur faire peur, pour les motiver à apprendre. Déjà c'était le passage à la deuxième partie, elle n'avait répondu qu'à moins de la moitié des questions. C'était maintenant une synthèse de textes sur l'histoire de la société. Coup de chance, c'était son sujet préféré, comment la société des temps anciens était riche, avec plein de chercheurs et d'artistes, des génies qu'on ne trouvait plus maintenant, des inventeurs. Elle se mit à écrire frénétiquement : elle se dit que plus elle était capable de répéter mot pour mot les phrases qu'on lui avait apprises, meilleure serait sa note, alors elle s'appliquait, les milliers de répétitions devaient servir. Elle fit pareil pour la question sur la lutte contre le racisme et pour l'égalité et la diversité.
À la sortie les jolies filles qu'elle avait repérées se vantaient qu'elles avaient trouvé l'examen "hyper facile". Elles disaient toutes être sûres d'avoir 100% des points à la première partie. C'était bien sûr des mensonges, personne ne pouvait réussir un tel exploit. Mais ça l'inquiétait quand même. Elle se dit que ce n'était pas vrai que le niveau avait baissé, la preuve : elle même avait eû beaucoup de mal.
Image : Female human evolution 2. Wikimedia Commons
©Philippe Gouillou - Samedi 7 août 2021