Gilets Jaunes : le Système tiendra
Le mouvement des Gilets Jaunes ne correspond pas à la révolte des pauvres prédite il y a 2 ans dans "Le vrai marché de la pauvreté" mais à celle de ceux qui paient. Les risques directs pour le système sont tellement faibles que le Pouvoir en profite pour accroître sa dominance et préparer l'avenir.
Les "Gilets Jaunes" sont ceux qui paient
Il y a deux ans j'avais signalé dans "Le vrai marché de la pauvreté" que le "Système"1 français est construit sur 3 classes fondées sur la redistribution sociale :
- Ceux qui en bénéficient officiellement
- Ceux qui la paient
- Les intermédiaires qui l'organisent
et que le but est de faire chuter (par des taxes, impôts, cotisations, frais de retard, etc.) ceux du groupe #2 en situation précaire dans la grande pauvreté (groupe #1) afin à la fois de financer et de justifier le système.
Mais j'avais aussi noté deux risques, dont le seul dangereux :
"Sa faiblesse la plus importante est sur le long terme : le système provoque un appauvrissement général, ce qui signifie qu'au bout d'un moment il n'y aura plus de classe moyenne à pressurer, donc plus d'aide à verser aux plus pauvres, or ces derniers risquent de se révolter..."
Gouillou (2016)
On pourrait croire que les manifestations actuelles correspondent à la première phase de cette révolte, mais ce n'est pas le cas : les Gilets Jaunes ne font PAS partie des bénéficiaires de la redistribution sociale, mais précisément de ceux de la catégorie qui paie2 et qui sont en situation de risque de basculer en grande pauvreté.
Le système n'est pas en danger
La première manifestation des Gilets Jaunes le 17 novembre, et l'annonce d'un "Acte II" le samedi suivant, avaient provoqué les inquiétudes : le pays serait bloqué, l'économie s'écroûlerait et le Pouvoir devrait prendre des mesures radicales. Il s'agissait en effet d'une remise en cause de la capacité même du pays à lever des taxes, impôts, cotisations, etc., c’est-à-dire une attaque contre le fondement du système.
Mais si on a en effet constaté un moment de flottement chez le Président Emmanuel Macron, il n'a pas duré : le Président a visiblement réussi à rassurer ses soutiens sur sa capacité à poursuive la pression fiscale.
Dans les nombreux articles qui y sont consacrés, on peut trouver plusieurs raisons dont :
La non-organisation des Gilets Jaunes est leur force mais aussi leur faiblesse : ils ne peuvent négocier une sortie de crise qui leur serait favorable
Les manifestants ne sont pas assez violents, or il suffit de comparer les résultats des Emeutes de 2005 aux manifestations pacifiques contre le Mariage homosexuel (des milliards donnés aux bablieues vs du mépris et des insultes encore des années après) pour comprendre qu'en France seule la violence permet d'obtenir quelque chose3
La Police est très violente et provoque de nombreux blessés graves, ce qui effraie certains qui n'osent plus manifester
Mais il en est une autre que peu ont noté mais qui est plus importante : les banlieues n'ont pas suivi.
Le mouvement actuel est celui de "Français de souche", de ceux qui n'ont jamais bénéficié des milliards des "Politiques de la ville" et autres subventions. En d'autres termes le mouvement ne s'est jamais étendu au-delà de ceux qui paient, ceux qui bénéficient ne le soutiennent pas.
Il ne s'agit donc vraiment pas du risque prédit en 2016.
L'avenir
Que le mouvement des Gilets Jaunes finisse par s'étouffer, ou qu'il crée une nouvelle tradition de manifestation hebdomadaire, son impact direct sur le système sera très probablement quasi nul. Il aura cependant deux effets indirects majeurs :
D'un côté, en perturbant l'économie, il accélère l'appauvrissement général qui lui pourra provoquer les révoltes
Mais de l'autre il a offert au Gouvernement et aux soutiens du Parti l'opportunité d'utiliser à haut volume la technique "2.3 Ajouter l'injure à la blessure" décrite à Communication de crise (update), technique qui a pour but et effet d'augmenter la dominance, et qui permettra donc d'imposer un système beaucoup plus policier
Le Gouvernement peut donc espérer acquérir suffisamment de contrôle sur la population pour pouvoir acheter la paix civile avec autre chose que de l'argent quand ce sera nécessaire. La modification prévue de la Loi de 1905 sur la laïcité s'inscrit probablement dans ce cadre.
Liens
- Le vrai marché de la pauvreté. Gouillou, Philippe. Evoweb. Dimanche 14 février 2016
- Communication de crise (update). Gouillou, Philippe. Evoweb. Mercredi 8 août 2018
Notes
©Philippe Gouillou - Dimanche 20 janvier 2019