Comme le remarque Erik Svane dans Le Monde Watch, "Paris sort l'artillerie lourde" contre les USA ces temps-ci. En fait, il devient difficile de trouver un article général qui ne ne se sert pas de l'anti-américanisme pour justifier tous les problèmes dont souffre la France [1] [2]. Comment expliquer ?
Bien sûr, cet anti-américanisme n'est pas fondamentalement nouveau, comme le montre cet exemple donné par Jean-Francois Revel ("Anti-Globalism = Anti-Americanism") :
Back in May 1944, Hubert Beuve-Méry, the future founder and editor of Le Monde, the most influential journal in France today, was able to write that The Americans constitute a real danger for France…. They cling to a veritable cult of the idea of liberty [and] don t feel the need to liberate themselves from the servitudes that their capitalism entails. The fact that an important Frenchman was able to argue this even while France was occupied by the Nazis, with the possibility of American liberation being their only hope for a different future, indicates the depth of both the hatred for economic liberty and the anti-American obsession in France.
Mais a-t-on déjà vu autant d'articles anti-Américains à la fois depuis la libération ? La question n'est pas seulement d'expliquer les sources de cet anti-Américanisme, mais de trouver les raisons de son si fort développement actuel. Quelques hypothèses :
- Le désastre économique :
Toutes les régions du monde sont en pleine croissance économique : la situation s'améliore de jour en jour, il y a de moins en moins de pauvres, et de plus en plus de liberté. Toutes les régions du monde sauf deux : l'Afrique, et la Zone Euro.
Pour l'Europe, qui devait constituer un bloc régional encore plus important que les USA, un tel échec est inavouable, il faut trouver un bouc émissaire. Le grand concurrent d'origine (pour l'Asie, on attendra plus tard) est tout à fait adapté à ce rôle.
- Le collectivisme socialiste :
La réussite de l'Occident s'est faite grâce au capitalisme. De nos jours, toutes les régions du monde qui se sont orientées vers plus de capitalisme sont en croissance, alors que l'Europe, qui a choisi l'orientation socialiste opposée, est en train d'exploser sous la pauvreté.
Il n'est pas très facile de justifier un échec quand chacun peut apprendre facilement que les autres réussissent. Il est donc important de minimiser la réussite des autres : la seule solution pour sauver le socialisme est de critiquer le pays qui apparaît (parfois à tort) comme le modèle du capitalisme : les USA.
- Le pari sur l'ONU :
L'ONU cherche à établir un gouvernement mondial, qui imposera un système économique anti-libéral. L'unique contre-poids actuel à l'ONU est constitué par les USA (ça ne durera pas) qu'il faut donc réduire.
- L'Eurabia :
En 1973, l'Europe a trouvé le moyen d'à la fois assurer son approvisionnement en pétrole et de créer un bloc régional élargi, apte à concurrencer le bloc américain : le "dialogue euro-arabe", qui a nécessité un alignement sur les positions des pays du bloc arabe. Ces derniers sont nombreux à vouloir jeter les Israëliens à la mer, or les USA sont alliés aux Israëliens, donc il faut à la fois lutter contre Israël, et critiquer les Américains. C'est l'approche de Bat Ye'or.
Les deux premières hypothèses sont totalement liées : l'échec économique provient des choix politiques (l'Espagne de Aznar a montré que la situation pouvait s'améliorer) et le renforcement de ces choix ne fera qu'agraver la situation. Les deux hypothèses suivantes sont probablement aussi liées entre elles, mais il me faudrait beaucoup plus d'éléments avant de pouvoir les considérer comme validées : disons que pour l'instant je n'ai que des informations convergentes.
NOTES :
- Même pour annoncer que le Maroc institue une sécurité sociale nationale, alors même que la sécu française est en voie de disparition :
La France -inventeur de la sécurité sociale- se débat dans les difficultés que l'on sait pour assurer la pérennité de son système d'assurance maladie. Les Etats-Unis eux, se positionnent comme le phare de la démocratie et de l'égalité. Unique super-puissance au monde, ils comptent plus de 20 millions de laissés-pour-compte de la protection sociale. Quant à la masse de leurs citoyens, elle doit recourir à des systèmes d'assurance maladie -privés ou publics- porteurs d'inégalités flagrantes...
"Assurance maladie: Le Maroc fait le grand saut", Destination Santé, mardi 18 mai 2004, 12h00
- Voir aussi cet autre post du Monde Watch, et ce post de Le monde à l'envers
©Philippe Gouillou