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Newsweek lave l'affront Rathergate

17 Mai 05

Newsweek lave l'affront Rathergate

Permalink 09:20:44, Catégories: International, Média, Marketing, 1026 mots
https://evoweb.net/blog/Newsweek-lave-l-affront-Rathergate.html

Le grand show offert à Dan Rather pour son départ de CBS l'avait montré : les MSM ne permettront pas que la crédibilité des journalistes, leur pouvoir, soit remis en cause par leurs mensonges et affabulations. L'honneur des journalistes avait été écorné par ce Rathergate, mais cela n'était que provisoire, rien de grave : un jour ou l'autre, un journaliste viendrait montrer que le "4ème pouvoir" est toujours le plus important, qu'un journaliste n'a pas à se sentir limité par les faits, qu'il doit pouvoir s'exprimer comme il le souhaite, et qu'ainsi il aura un impact vital sur le monde. Et bien grâce à Michael Isikoff dans Newsweek, ce grand jour est arrivé.

 

Au départ, ce n'était pas gagné d'avance : il était difficile d'imaginer que la simple affirmation qu'un Coran aurait été jeté dans un seau hygiénique à Guantanamo pourrait provoquer tant de remous. Mais il suffit parfois d'un rien, et ce simple détail ajouté pour faire au-then-ti-que, ce simple ajout stylistique, cette subtile touche journalistique, aura suffi à provoquer des émeutes et appels au djihad en Afghanistan, et tué directement une quinzaine de personnes. Michael Isikoff est adoubé grand journaliste, et Newsweek un fer de lance dans la défense du journalisme.

Et c'est alors que la machine se lance. Bien sûr, "l'information" est fausse, mais il faut savoir l'exploiter en ne l'avouant jamais. Newsweek commence juste par exprimer des "regrets" sur les conséquences probables de son article, et, coup de génie marketing, attend les plaintes officielles du gouvernement américain pour se rétracter. Dès lors, la véracité factuelle n'a plus d'importance, ce qui compte c'est l'épouvantable pression gouvernementale, cette intolérable atteinte à la liberté journalistique, Newsweek est la victime d'un système dictatorial qui lui interdit de publier ce qu'il veut ! La solidarité journalistique se met en marche, il faut que les autres journaux soutiennent Newsweek, il faut que les émeutes continuent.

Bien sûr, cette technique marche. Comme on pouvait s'en douter, l'AFP est en première ligne pour soutenir la thèse des pressions :

"Sous la pression du gouvernement américain, le magazine Newsweek a désavoué lundi son article sur la profanation présumée d'un Coran à Guantanamo, à l'origine de violentes manifestations, qui ont fait une quinzaine de morts en Afghanistan."
lundi 16 mai 2005, 23h56
http://fr.news.yahoo.com/050516/202/4ezlk.html
Que l'AFP soit du bon coté est extrêmement positif : elle est souvent alignée sur les positions islamistes, celles qu'il faut atteindre, et c'est encore le cas :
"Le mollah Sadoulla Abou Aman, chef du groupe des religieux afghans qui ont menacé dimanche de déclencher une guerre sainte contre les Etats-Unis s'ils ne livraient pas dans les trois jours les auteurs de la profanation présumée, a déclaré lundi: «Nous ne nous laisserons pas abuser par cela. L'Amérique cherche ainsi à se sauver elle-même. Ce démenti a été publié sous la pression du gouvernement américain. Même un paysan de base illettré comprend cela et ne l'acceptera pas», a ajouté le mollah afghan, en précisant que la menace de guerre sainte était maintenue."
http://www.dhnet.be/dhinfos/article.phtml?id=121616

Newsweek a gagné. Chaque nouveau mort sera une preuve supplémentaire du pouvoir des journalistes, il ne reste qu'à les additionner : l'affront Rathergate est lavé dans le sang.

Bien sûr, comparativement à l'impact de l'affaire Netzarim, beaucoup trouveront que ces quelques dizaines ou centaines de morts "ne compteront pas". On pourra aussi remarquer que l'impact de cette affaire Newsweek sera probablement très faible face à celui de l'affaire Abu Ghraïb dont on parle encore quotidiennement. Mais il y a une différence avec ces deux affaires : il s'agissait là d'images, de photos, de vidéo, alors que Newsweek n'avait que des mots. Ici, c'est la grande presse qui gagne, la prestigieuse, la vraie, pas la télé de masse.

On mesure généralement le pouvoir journalistique à l'aune de sa crédibilité, et de nombreux analystes présentent cette affaire Newsweek comme "un nouveau coup dur pour les médias traditionnels". Il est en effet probable que de nombreuses personnes seront, comme moi, encore plus écoeurées. Mais cela a-t-il encore de l'importance ? Probablement pas : nous ne sommes déjà plus dans la cible des journalistes. Pour les lecteurs de l'AFP, pour la mythique "rue arabe", Newsweek a gagné en crédibilité.

UPDATE (18 mai 2005) :
  • Le gouvernement américain a estimé le 17 mai que la simple rétractation de Newsweek était insuffisante, et a demandé au magazine d'enquêter sur les origine d'une telle erreur. Il me semble que cette demande peut être vue comme un moyen pour le gouvernement US de sortir du piège décrit ci-dessus.

  • Ce post ne s'intéresse qu'à la stratégie marketing médiatique mise en place dans cette affaire. Une vision plus complète nécessite de s'intéresser également au point d'origine de l'histoire, l'anecdote supposée du Coran, et de noter le double standard musulman quant au respect des autres religions et la soumission des pays libres à ce double standard. Voir notamment :

©Philippe Gouillou



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Trackback de: LudovicMonnerat.com
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