Mes deux voisins [1] s'opposent complètement en termes de conduite. Autant le premier est prudent, attentif et sûr, autant le second, agressif et maladroit, est dangereux. Le premier respecte les signalisations, le deuxième brûle feux après stop sans même regarder, et a de nombreux accidents : un miracle qu'il n'ait encore tué personne, ça ne saurait tarder. Une opposition aussi criante sur quelque chose d'aussi quotidien me plonge dans des abîmes de perplexité.
Tout d'abord, je sais qu'il ne faut surtout pas considérer que leurs attitudes seraient un tant soit peu liées à des différences biologiques ou à une programmation inconsciente : une telle approche mène nécessairement au racisme, à l'eugénisme, donc au nazisme, il faut la proscrire. Pourtant, à regarder leurs histoires, je ne trouve aucune différence significative : il n'y en a pas un qui aurait eû une enfance plus malheureuse que l'autre, et ils appartiennent au même milieu social élevé.
Au delà des tentatives d'explications, je m'interroge également sur le traitement que la société doit leur réserver. Certains extrémistes penseront qu'il faut arrêter le chauffard avant qu'il ne commette un génocide, et qu'il faut le verbaliser, voire lui retirer son permis, pour infractions graves répétées au code. Mais ne s'agit-il pas là d'une vision uniquement répressive du problème ? En lui appliquant la loi avec tout l'aveuglement dont elle est coutumière, ne risque-t-on pas de remettre en cause l'intégration d'un membre actif dans la société ? Ce qu'il faut, comme toujours dans ces cas, c'est attaquer le problème à ses racines, pas juste supprimer certaines de ses manifestations parce qu'elles seraient jugées non socialement conformes par des juges bornés.
Après mûre réflexion, je considère maintenant qu'il faudrait véritablement aider cet handicapé de la route, le soutenir. On pourrait tout d'abord l'aider à remonter sa propre estime de soi : sa voiture est maintenant toute cabossée, ne peut-on lui en offrir une neuve ? Peut-être qu'une voiture plus luxueuse, plus confortable, avec un moteur plus dynamique l'aidera à mieux contrôler sa conduite ? Financer une telle mesure serait facile : il suffit de lever une nouvelle taxe sur les millions d'automobilistes qui n'ont pas d'accidents, ce serait même un geste de solidarité nationale d'aide aux défavorisés.
Je ne sais pas si cette proposition concrète retiendra l'attention qu'elle mérite. Ce dont je suis certain, c'est que dans une société post-moderne il ne faut pas appliquer les mêmes critères de jugement à deux personnes si différentes : ce n'est pas du "double-standard", c'est de la justice sociale.
NOTES :
- Totalement inventés, bien sûr. Pour la suite du post, à chacun de traduire...
©Philippe Gouillou